L’administration au service de l’humain et non pas l’inverse
Lundi matin 8h30, j’appelle un service d’une administration cantonale de Suisse romande. J’ai plusieurs questions à poser. Au bout d’un moment, la personne me dit : « Mais vous avez trop d’énergie pour un lundi matin ! C’est trop compliqué pour répondre à vos questions maintenant, appelez plus tard ou faites un email … ! » Cette réponse, je ne l’avais encore jamais eue. Je me demande comment les gens font pour garder leur patience et leur sang-froid avec tous les services qu’il faut appeler, à des numéros différents, avec des horaires complètement arbitraires et réduits, avec des répondeurs qui nous font tourner en rond et sans recevoir forcément de réponse. Et là, alors que j’avais une vraie personne au bout du fil, me répondre ainsi, c’en est trop !
Comment font les gens qui ont des horaires de travail réguliers pour aller ou accéder à ces services ? Alors que ces services sont justement ouverts quand les gens travaillent. L’informatique soulage heureusement une bonne partie des demandes et nous permet maintenant d’y accéder avec des guichets virtuels à toute heure du jour et de la nuit ou encore du week-end en fonction de nos propres engagements professionnels.
Mais au bout de la semaine, combien de fois avons-nous entendu des anecdotes de ce genre où nous secouons la tête en nous disant que ce n’est pas possible et que l’administration ne doit pas diriger nos vies.
Une des phrases les plus courantes du moment, c’est : « Attendez, mon ordinateur ne répond pas ! » ou « Le système « dit » que ce n’est pas possible ! ». Tout dépend de l’ordinateur. La fonction « réfléchir » de l’humain a été mise sur pause, on dirait.
Cette réflexion, nous pouvons nous la faire également au niveau de beaucoup de services ou de métiers, où l’administration a pris le pas sur les relations, malheureusement au détriment des clients, des patients et de l’humain.
Prenez le cas à l’hôpital. Il est plus important d’avoir rempli les documents de transmission que d’avoir tenu dix secondes la main du patient en souffrance devant soi. Cela fait peur. Ces métiers sont devenus plus techniques au détriment de la relation de soin. Les gens en souffrent et deviennent des ectoplasmes. Et je ne souhaite pas critiquer le système de santé car nous avons beaucoup de chance dans notre pays. Je ne souhaite pas non plus mettre plus de pression sur les soignants qui en ont déjà tellement. Mais comment arrivons-nous ensemble à rallumer cette flamme du vivant et de mettre les vraies priorités au cœur pour que l’administration prenne sa place qui est celle d’un outil fort et puissant et à notre disposition ainsi qu’à notre service ?
De la même manière, les enseignants ont perdu de la joie de la relation avec les enfants car ils doivent répondre à tellement de documents et de formulaires. Tous les métiers en relation à l’humain ont subi une grave perte : la relation à l’humain en raison de cette administration à laquelle nous donnons beaucoup trop d’importance. Et ce également en raison d’avoir « technifié » certains métiers en perdant l’essence même de la profession de la relation à l’autre.
Dans une autre vie, j’ai été responsable du process support dans une grande entreprise. Oui, il faut des processus, simplifier la tâche aux gens, mais il faut également se parler, il faut trouver un moyen pour que cette grande machine ne nous fasse pas peur et qu’elle ne nous englobe pas. Et que nous utilisions ces outils à notre service et à bon escient …